Un mot définit une réalité et vice versa. Si je veux changer un mot, c'est difficile, voire irréel. Parce que si j’arrive à le faire, je suis en train de transformer l’essence de quelque chose: l’être lui-même. Mais, n'est-ce pas ce qui se passe quand on rêve? Parfois je suis une girafe en costume, pressée, qui marche au ralenti; ou, dans certains cas, je suis un hippopotame, comédien, qui parle chinois. Il m'est arrivé d’être les deux personnages dans un seul rêve, l’un après l'autre. Jamais en même temps, bien sûr. C'est facile de changer d’être pendant le sommeil. Le rêve comporte l'illusion, une performance constante. On s’améliore, on se transforme, on avance. Sans le mot, ne serait-on pas juste des êtres anodins, avec un présent immuable? On serait donc toujours le même en portant un mot inaltérable, impossible à changer… Et la poule enfin s’endormit.