Seule
Façades tapissées de suie, bruit de moteurs, flaques épaisses avec un arc-en-ciel d’huile. Dans une fissure sur le ciment, au coin de la Rue de la Désespération, la rose avait crû.
Inespérée, obstinée, luttant jour après jour contre la poussière et la fumée, elle chatoyait comme le soleil. Les voisins la regardaient étonnés, presque avec vénération, sa volonté d’être les laissaient perplexes.
Un jour, les yeux ont regardé le trottoir et ils virent seulement la fissure et ils devinrent gris, vitreux. Personne ne savait quelle fut sa fin.
Peut-être un amant passait vers un rendez-vous urgent avec l’amour et il la prit.
Peut-être une fille l’effeuillait lorsqu’elle eut découvert douloureusement l’absence de l’autre, sachant qu’elle devait perdre.
Peut-être le maire la trouvée révolutionnaire, turbulente et il l’a renversée avec son camion.
Ou la brise chaleureuse d’un soir, en plier le coin, se prit ses feuilles sèches, ses graines avides chemin d’une autre fissure, d’un autre monde.